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DROITS DES USAGERS : propositions de la HAS pour renforcer l’engagement-participation.



Le collège de la Haute autorité de santé (HAS) a adopté l’avis de n° 2-2023 du 20 juin 2023 de son conseil pour l’engagement des usagers (CEU) sur le thème : “Renforcer la reconnaissance sociale des usagers pour leur engagement et leur participation dans les secteurs social, médico-social et sanitaire”.

Cet avis – dépourvu de valeur contraignante – s’inscrit dans la dynamique d’activité du CEU qui avait déjà été illustrée, exactement 1 an auparavant, par un avis sur la participation des patients et des personnes accueillies ou accompagnées au sein des établissements de santé et des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Pour mémoire, cette prise de position visait notamment à unifier les régimes des commissions des relations avec les usagers (CRU) sanitaires et des conseils de la vie sociale (CVS) sociaux et médico-sociaux.

Comme l’avis de 2022 sur la participation, ce document a l’ambition de formuler des préconisations communes au secteur sanitaire et au secteur social et médico-social.

I. – PRESENTATION

1.1. Contenu de l’avis

L’avis est structuré en 4 parties. Les 3 première constituent le corps du texte, la 4ème comprend 3 fiches ressources. L’objectif poursuivi est de favoriser la reconnaissance sociale de l’engagement (terme sanitaire) – participation (terme social et médico-social) des personnes. Cette reconnaissance doit passer par l’adoption de principes d’actions voire de mesures concrètes destinés à rendre plus effectif le rôle de ces personnes dans la dispensation des soins et la réalisation des accueils et accompagnements. L’engagement-participation des personnes désigne alors toute forme d’action, individuelle ou collective, au bénéfice de leur santé, leur bien-être ou leur qualité de vie, ou de ceux de leurs pairs.

1.2 Corps de l’avis

Le propos débute par une définition de l’implication des usagers du système de santé dans la démocratie sanitaire :

  • représentation des usagers dans des instances ;

  • contribution des citoyens aux orientations stratégiques nationales, régionales ou locales ;

  • engagement ou participation des usagers au fonctionnement des institutions de santé (établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux). Ici, le texte fait référence à des formes de participation issues des pratiques telles que l’ETP, la prise en compte des savoirs expérientiels, les patients partenaires. Ces pratiques ont été recensées dans une enquête de 2019 réalisée dans la perspective de l’élaboration des recommandations de bonnes pratiques professionnelles (RBPP) de la HAS “Soutenir et encourager l’engagement des usagers dans les secteurs social, médico-social et sanitaire” (juillet 2020).

L’avis précise qu’alors que les ESSMS sont en principe exclus du champ de la démocratie sanitaire, le parti a été pris de les y agréger.

Il illustre, par un schéma très clair, la progression attendue pour une plus grande implication des patients ainsi que des personnes accueillies ou accompagnées :


Schéma : continuum des échelles de participation ou d’engagement

L’objectif ultime du partenariat des personnes avec les professionnels de l’offre de prestations en santé est que ces deux parties prenantes soient conjointement à l’initiative de la définition et de la mise en oeuvre des processus de soins, d’accueil et d’accompagnement. Le partenariat en santé exige donc d’inclure des usagers dans une logique de co-conception des améliorations de l’offre en santé et/ou du renforcement du pouvoir d’agir des personnes, au bénéfice de leur propre état de santé ou du système de santé.

Ceci étant, les développements de l’avis suivent le plan suivant :

  • 5 raisons fondent la nécessaire reconnaissance sociale de l’engagement et de la participation des personnes :

    • une attente sociétale,

    • des objectifs nationaux d’amélioration de la qualité en santé,

    • les espoirs de réduction des injustices épistémiques,

    • la contribution à la création de la valeur en santé,

    • des savoirs expérientiels des usagers de mieux en mieux identifiés,


  • de nombreuses missions peuvent être remplies par les usagers au titre de leur engagement ou participation :

    • soutien par les pairs,

    • éducation thérapeutique du patient (ETP),

    • accompagnement dans les soins et les actions sociales et médico-sociales,

    • formation des professionnels du soin et des accompagnements,

    • recherche,

    • éthique,

    • représentation des usagers en institution et/ou dans la cité,


  • 7 principes fondent la reconnaissance sociale de l’engagement et de la participation des usagers :

    • égale considération entre les parties prenantes,

    • proportionnalité de la formation en fonction des missions confiées,

    • accompagnement et soutien à l’engagement et la participation des usagers,

    • légitime reconnaissance des compétences déployées dans l’engagement et la participation,

    • juste reconnaissance financière de la valeur de l’engagement,

    • juste reconnaissance professionnelle de la valeur de l’engagement,

    • non-impact fiscal et social.


En annexe, l’avis propose 3 fiches ressources à vocation opérationnelle :

  • convention type entre les établissements et les associations de bénévoles ;

  • éléments pour le recrutement d’usagers partenaires (profils de poste) ;

  • éléments pour un contrat entre des établissements et des collaborateurs « usagers partenaires ».


II. – COMMENTAIRE

Si cet avis mérite d’être commenté pour que ses nombreux points positifs soient mis en exergue, il appelle également quelques critiques.

2.1. Les principaux point positifs de l’avis du CEU

  • L’objet même de l’avis présente un grand intérêt, dans la mesure où la notion d’engagement-participation induit une logique de démocratie participative dans laquelle patients et personnes accueillies ou accompagnées sont appelés à devenir les partenaires à part entière des professionnels. À cet égard, le concept d’engagement-participation dépasse – et de loin – les conceptions juridiques actuelles qui définissent la place de ces personnes dans les établissements de santé et les ESSMS. L’avis propose donc une orientation d’évolution de l’organisation et du fonctionnement de ces institutions de santé qui pourrait justifier la modification du régime juridique de ces dernières.

  • Le dispositif de l’évaluation est présenté comme une occasion de participation. Effectivement, la nouvelle procédure d’évaluation des ESSMS – lorsqu’elle aura une existence légale – ainsi que son manuel d’utilisation prévoient qu’une partie de l’audit concerne l’accompagné traceur, s’inscrivant en cela dans la perspective du pouvoir d’agir des personnes considéré comme l’une des 4 valeurs fondamentales de l’évaluation.

  • La démarche partenariale est conçue comme un moyen de réduction des injustices liées à l’asymétrie d’information qui situe traditionnellement les professionnels en surplomb des personnes. Il s’agit ici de remédier à l’inégalité dans l’accès, la reconnaissance et la production des savoirs.

  • L’accroissement de l’engagement-participation des patients et des personnes accueillies ou accompagnées est appelé à susciter une transformation sociale.

  • Les savoirs expérientiels des personnes vont enrichir ceux des professionnels, produisant des connaissances plus riches qui pourront être intégrées dans les formations professionnelles, notamment en travail social.

  • L’intérêt de l’engagement-participation des personnes pour inspirer des changements organisationnels favorisant la réponse à leurs besoins et attentes est clairement identifié.

  • Les obligations des patients et des personnes accueillies ou accompagnées qui prennent part aux instances de participation sont, sur la question du secret, judicieusement rappelées. En effet, l’article 226-13 du Code pénal les soumet au secret professionnel s’agissant des informations personnelles dont ils prennent connaissance à l’occasion de leur fonction représentative.

  • L’intérêt de permettre aux personnes de bénéficier de formations en rapport avec leur engagement-participation est repéré. Sur ce point, l’avis précise opportunément que de telles formations ne doivent avoir ni pour objet ni pour effet d’altérer l’indépendance du regard des intéressés par rapport aux institutions et aux professionnels.

  • La nécessité de conférer des moyens aux personnes impliquées dans les processus d’engagement-participation et prise en compte. Ainsi l’avis propose-t-il l’indemnisation des frais occasionnés ainsi que, le cas échéant, le soutien par des aides humaines appropriées.

  • L’avis propose de comptabiliser le temps passé par les bénévoles aux activités d’engagement-participation dans un compte d’engagement citoyen ouvrant des droits à la formation ou encore au titre du passeport bénévole ;

  • Il est préconisé de prévoir la participation des personnes à la promotion et la publicité des actions à réaliser, afin de favoriser la reconnaissance de leur implication et de donner à ces actions de communication davantage de crédibilité.

  • La fiche ressource n° 2, qui concerne les modalités de recrutement d’usagers-partenaires, identifie un rôle de médiateur de santé-pair (rétablissement) adapté aux activités sociales et médico-sociales.

  • La fiche ressource n° 3 donne des directives pour la rédaction d’un contrat entre établissement et usager-partenaire, notamment pour donner un fondement juridique à leur rétribution et à l’indemnisation de leur frais.

2.2. Quelques critiques sur l’avis du CEU

  • La méthodologie d’élaboration de la vie pourrait être améliorée, dans la mesure où l’association aux travaux des personnes accueillies ou accompagnées en ESSMS et des professionnels de ces mêmes établissements et services semble avoir été insuffisante. Cette observation est justifiée tant par la composition des groupes de travail et de lecture que par le corps de l’avis qui paraît majoritairement alimenté par des considérations propres au secteur sanitaire.

  • Contrairement à ce que soutient le CEU, le secteur social et médico-social s’inscrit de droit dans le périmètre de la démocratie sanitaire. En effet, d’une part, les ESSMS sont juridiquement des acteurs parmi d’autres du système de santé car leurs activités relèvent de la politique de santé publique. D’autre part, leurs organismes gestionnaires sont représentés dans les instances de démocratie sanitaire telles que la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA).

  • La définition des attentes de la société est lacunaire car elle ne s’intéresse qu’à l’approche sanitaire du thème traité. En effet, elle ne cite que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé ; le Livre III du Code de l’action sociale et des familles (CASF) est passé sous silence. Les développements afférents sont certes pertinents mais insuffisants. On regrettera par exemple l’absence de toute référence :

    • à la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l’Organisation des Nations-Unies (ONU),

    • aux Lignes directrices sur la désinstitutionnalisation de l’ONU du 9 septembre 2022.


  • Le texte se borne à mentionner le concept d’autodétermination mais sans le définir. Il aurait pourtant été intéressant de lire des développements plus précis à la notion dans le champ du handicap, alors même que de récentes RBPP de la HAS ainsi que des travaux en sciences sociales l’ont définie :


  • pour une définition schématique de l’autodétermination des personnes en situation de handicap du point de vue des sciences sociales :


  • Les développements consacrés à la participation de la personne à la définition et à la mise en œuvre de son accueil ou de son accompagnement en ESSMS ne font jamais état, ni des textes législatifs et réglementaires concernant les droits des usagers qui prévoient l’implication prépondérante des intéressés dans leur projet personnalisé, ni des conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement, ni des éléments sur le projet individualisé contenus dans les RBPP.

  • S’agissant de la représentation des usagers en institution et/ou dans la cité, la nécessité de vérifier l’effectivité du respect des droits des personnes ne concerne que les droits des malades et de leurs proches. Le respect des droits des personnes accueillies ou accompagnées en ESSMS n’est pas évoqué.

  • Dans les développements qu’il consacre à la reconnaissance financière de l’implication des personnes, l’avis promeut la nécessité que l’engagement-participation n’ai pas d’impact financier ni fiscal négatif pour les participants. Cependant, il n’identifie pas formellement une difficulté majeure qui concerne le champ du handicap. C’est celui de l’incidence de la perception d’une rétribution sur le montant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Pour mémoire, le montant de cette allocation subsidiaire varie en fonction du niveau des ressources de la personne. Il aurait été bienvenu de proposer que la rétribution souhaitée soit exclue de l’assiette de calcul des ressources des personnes en situation de handicap. En effet, si le versement d’une forme de rémunération devait provoquer corrélativement la diminution du montant de cette allocation, alors ses bénéficiaires seraient pénalisés du simple fait de leur participation aux actions d’engagement-participation. Il serait donc tout bonnement dissuadés de s’impliquer.

  • La fiche ressource n° 1, relative aux conventions entre Associations de bénévoles et établissements, ne vise que le régime juridique des établissements de santé. Or, l’article L. 312-1, II, alinéa 5 du CASF institue une obligation de conventionnement des Associations de bénévoles, que l’avis n’évoque à aucun moment.

En conclusion, l’avis du CEU, s’il exprime une volonté très positive et identifie des actions d’amélioration significatives pour promouvoir la capacitation (empowerment) des personnes, pèche néanmoins – comme celui de juillet 2022 précité – par une méconnaissance et une absence de prise en compte des interventions sociales et médico-sociales, dans une approche hospitalo-centrée. Ces lacunes expriment une réalité caractéristique de la HAS : celle d’une tendance lourde à la sanitarisation du secteur social et médico-social, qui fait abstraction des différences majeures qui le distingue du monde des



Source ACCENS Avocats-Conseils 27 juillet 2023

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